Mourir pour des industriels

Ce lundi, il a quand même un drôle de goût. Compter ses abattis, vérifier qu'ils y sont bien tous. Compter ses amis, vérifier qu'ils y sont bien tous. Discuter avec les collègues, vérifier aussi. Puis comprendre que la fille de Bernard, tu sais le mec du service là, ben elle était au Bataclan.
Elle est sur la liste.
Combien de collègues il peut bien avoir Bernard ? Combien de copains ? Et sa femme combien de collègues, combien de copains ? Et sa fille, qui n'est jamais sortie du Bataclan ? Des milliers. Il parait qu'on est tous reliés par un maximum de six degrés de séparation. Là ça fait deux.
Combien de degrés me séparent des autres?
Et partout l'injonction à continuer de faire la fête, parce que sinon ils ont gagné ma pauv dame. Mais pour qu'il puissent gagner il faut qu'ils se battent, et pour se battre il faut des armes connard. La france a explosé son chiffre d'affaire des ventes d'armes, et on danse. La france va faire la guerre, et on danse. La france se prend des bombes humaines sur la gueule, et on nous ordonne de danser. On nous ordonne d'avoir peur quand il s'agit de voter des lois sécuritaires, on nous ordonne d'avoir peur quand il s'agit de nous faire accepter toutes les conditions de travail les plus dégueulasses, et on nous ordonne d'être courageux et de danser quand il s'agit de faire face aux conséquence d'une guerre qu'on a jamais approuvé nulle part et de ventes d'armes qui n'enrichissent que les industriels. On croit danser pour la liberté, on meurt pour les industriels.
Alors non. J'ai pas envie d’obéir à vos mots d'ordre. Parce que je ne vous crois pas. Vous me mentez. Vous me dites que si on succombe à la peur alors ils ont gagné. Mais qui a gagné ? Comme si Daesh en avait quoi que ce soit à foutre que des cibles potentielles continuent à danser et à se rassembler. Je refuse de squatter les espaces de paroles comme celui que j’occupe actuellement pour me planquer derrière ma fierté de nullipare fêtard et désinvolte pour clamer que nananère je continuerai à picoler dans les bars parce que sinon ils ont gagné.
Ils n'ont pas gagné, et ne gagneront pas. Personne ne gagnera. Comme en Irak, comme en Afghanistan, ça se terminera en eau de boudin, avec du sang civil plein le tonneau.
Ils n'ont pas gagné, et ne gagneront pas.
Mais ils sont en guerre et nous bombardent. Et ils en ont rien à battre qu'on picole en terrasse ou qu'on picole tranquille à la maison.
Quand les nazis bombardaient l'Angleterre, le peuple continuait à vivre normalement. Mais quand les sirènes prévenant d'un attaque aérienne retentissaient, ils flippaient et rentraient se planquer.
Où sont les sirènes qui vont nous prévenir des prochaines attaques de Daesh ?
On nous ordonne de danser comme de partir à la guerre en 14 : la fleur au fusil, le verre à la main, et la carte bleue dans l'autre.

Vous pouvez bien ordonner ce que vous voulez, je ne participerai pas à cette grande farce qu'est l'intimation à la joie. J'ai la trouille et je veux que nos dirigeants le sachent. Pas pour ma gueule de nullipare fêtard et désinvolte, j'ai la trouille pour mon degré un. Pour toutes celles et ceux qui me sont directement liés. Aujourd'hui c'est une personne de degré deux qui est tombée et j'ai la gorge nouée. Je ne supporterai pas qu'un proche une amie, une nièce, un neveu, un cousin, un parent tombe pour s'être conformé à cette propagande imbécile. Je n'ai pas peur des gens, je n'ai pas peur de mon voisin barbu ni de ma voisine voilée... j'ai peur des bombes. Des bombes lâchées par un pays auquel nous avons déclaré la guerre. Bombes, guerres, fusillades et massacres... à l'origine il ya toujours les ventes d'armes. Et quand les champions de la vente d'arme m'ordonnent de ne pas avoir peur, je leur pisse à la raie.

Alors prends soin de toi camarade. Protège tes potes, tes amis, s'ils n'ont pas envie de venir au concert, fous leur la paix, s'ils n'ont pas envie d'aller boire en terrasse, de venir dans un lieu clos rempli de monde, fous leur la paix.

 

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